Après son immersion dans un foyer d'urgence pour mineurs de la Courneuve, Christine Citti a écrit «Ils n'avaient pas prévu qu'on allait gagner».

“Après quelques mois passés dans le foyer pour jeunes mineurs, un jour, il a bien fallu partir. Et même s’il y a eu quelques tentatives de garder le contact, partir c’était n’avoir fait que passer dans leurs vies fragiles et broyées. Partir, c’était revenir à nos vies et les laisser eux à leurs existences maltraitées passées sous silence. De ces jours avec eux, j’avais bien conscience de n’avoir pu ni transformer, ni améliorer leurs situations, leurs devenirs. Je voulais qu’ils soient entendus. Je ne suis ni sociologue, ni journaliste. Alors, j’ai écrit cette pièce.” 

Et elle a eu raison de donner une voix, des mots à ces jeunes, abandonnés par leurs familles, par la société et dont l’avenir, sombre semble déjà tout tracé.

Sur la scène, des tables, un canapé et une cage en verre. Le décor est brut, comme les jeunes qui attendent dans ce foyer d’accueil d’urgence. Vautrés sur le canapé, dévorés par l'ennui, la douleur, des adolescents en colère, à vif.

Prostitution, violence, drogue, inceste, familles dysfonctionnelles… A peine sortis de l’enfance, leurs existences sont fracassées. Quatre filles et quatre garçons, Nour, Aïcha, Georges, Katia, Kim Son, Nadia, Nikos et Abdel, écorchés vifs, toujours au bord du précipice, un seul mot peut les faire basculer dans la violence, la seule arme face au monde dans lequel ils vivent.

Emmanuelle (Christine Citti) est comédienne, elle vient au foyer pour les initier au théâtre, mais les jeunes ne veulent pas plus d’elle que des éducateurs.

Pourquoi est-elle là ? Ils lui opposent leur mépris, si elle est là c’est surement qu’elle n’a pas de travail !

Pourtant une des filles rêve d’être actrice, Emmanuelle lui fait lire Bérénice mais l’hostilité des jeunes est prégnante, comment peuvent-ils faire confiance aux adultes quand ils ont détruits leurs vies.

Elle ne se décourage pas, elle se fait toute petite, observatrice silencieuse de ces jeunes au bord du précipice, de ces éducateurs désillusionnés, épuisés par un système qui malmène l’humain et les rend malveillants à l’égard de ces jeunes déjà brisés par la vie.

Les tensions, la haine, la souffrance sont les ingrédients qui alimentent le foyer et parfois, les jeunes se confient, parlent des épreuves qu’ils ont traversées.

Tour à tour ils se racontent, jeunes, éducateurs et c’est poignant.

Les comédiennes et les comédiens sont exceptionnels de vérité, la mise en scène de Jean-Louis Martinelli nous fait ressentir l’univers écrasant d’ennui et de détresse dans lequel sont enfermés ses ados.

On sort bouleversé de cette pièce coup de poing qui dénonce un système politique qui broie les plus fragiles en leur infligeant la double peine. 

«Ils n’avaient pas prévu qu’on allait gagner»

De christine citti

Mise en scène et scénographie : Jean-louis Martinelli

collaboration artistique : Thierry thieû Niang

avec Christine Citti, Yoann Denaive, Loïc Djani, Evelyne El Garby-klaï, Edouard Montoute, Yasin Houicha, Elisa Kane, Leila Loyer Kassa, Margot Madani, François-Xavier Phan, Mounia Raoui, Amina Zouiten

Jusqu’au 5 février 2022 à 20h30

Théâtre du Rond-Point 

2bis, avenue Franklin D. Roosevelt

75008 Paris
01 44 95 98 00