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Alan Turing (Benoit Solès), mathématicien anglais un peu fou, bègue, dont les seuls amis sont les chiffres, arrive devant l’inspecteur Ross (Amaury de Crayencour) au poste de Police pour déclarer un cambriolage. Très vite, le policier se méfie de cet homme qui lui cite « Blanche Neige et les sept nains » en plein interrogatoire. Il va le suivre dans ses conférences, chez lui, jusqu’à ce que celui-ci lui dévoile le secret qui le ronge depuis plus de dix ans : il a réussi grâce à sa machine (ancêtre de l’ordinateur) à briser le code secret de l’Enigma allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, une découverte qui a permis d’écourter la guerre de deux ans…


C’est l’histoire vraie de cet être hors norme qui se joue au Théâtre Michel, après un vif succès au festival d’Avignon. Un être qui « a changé le monde », qui s’est suicidé en mangeant une pomme empoisonnée au cyanure, ce qui aurait inspiré l’idée du logo d’une célèbre marque d’ordinateurs…


Parlons d’abord de l’intrigue. Si la pièce se concentre davantage sur les années d’après-guerre (1952 en particulier lorsqu’il fut poursuivi par la justice pour homosexualité), elle nous permet, par un système de récits enchâssés, de revivre des événements marquants de son enfance, sa jeunesse ou pendant la guerre. C’est ainsi que l’on peut vivre ses déboires amoureux, la découverte de son génie, sa passion pour la bicyclette, la mort de son ami Christopher, ses recherches pour décrypter Enigma… A la manière des images qui défilent sur l’écran placé en fond de scène, les années se succèdent et on découvre un être incroyable.


Les deux acteurs s’approprient le plateau avec une force impressionnante.

Benoit Solès, qui joue Alan Turing et est aussi l’auteur de la pièce, est magistral. Il incarne complètement le mathématicien avec un tel naturel que l’on ne peut qu’imaginer les heures de travail que le comédien a dû fournir pour atteindre un tel degré de perfection, notamment pour le bégaiement. Il nous présente un personnage torturé, en proie à une totale solitude, une insécurité chronique et un réel désarroi mais, malgré tout, attachant et génial.

Amaury de Crayencour a la lourde tâche d’interpréter plusieurs rôles à la fois : le policier, l’homme qui accuse Turing après l’avoir séduit, celui qui est venu l’engager pour décrypter Enigma… Cela permet à l’acteur de montrer plusieurs facettes de son talent. Il jongle avec les rôles avec habileté et charme.


La mise en scène de Tristan Petitgirard colle parfaitement à la narration. On notera l’intelligence de l’utilisation de l’espace qui figure plusieurs lieux (notamment grâce aux projections) : la rue, l’appartement de Turing, le poste de Police, le salle de conférence, l’école… La scène finale monte en émotion grâce à la musique, au texte dit et aux images projetées. Un grand moment.


Mentions spéciales également pour le passage du procès qui prône le droit à la différence et la scène du décès de Christopher où Benoit Solès se retrouve seul éclairé par un rayon de lumière, l’obscurité ajoutant de la force dramatique.

En racontant cette histoire, Benoit Solès ne nous fait pas uniquement le jour sur l’un des plus grands secrets de l’Histoire avec un grand H. Il peint également le portrait d’un homme dont le génie a sauvé l’humanité et qui a pourtant été condamné au tribunal à cause de son orientation sexuelle. Comment expliquer l’injustice d’une société détruisant, pour une raison aussi peu acceptable, les hommes qu’on aurait dû encenser ? Le destin d’Alan Turing fait encore écho avec l’actualité et le mettre en lumière ne peut qu’être important aujourd’hui.


« La Machine de Turing » est une pièce magnifique, bien écrite, engagée. Les comédiens y sont impressionnants, comme habités. A voir vraiment…


Jusqu’au 30.11.2018

Du mardi au samedi à 21h, matinée le samedi à 16h

Au Théâtre Michel, 38 rue des Mathurins, 75008 Paris

http://www.theatre-michel.fr/Spectacles/la-machine-de-turing/

Tarif plein : de 30€ à 49€

Durée : 1h25


Article : Audrey

10/10/2018

audrey@laruedubac.fr



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