Un immense K est posé sur le plateau. Gregori Baquet entre en scène en costume noir, chemise blanche, pantalon à bretelles, pieds nus. Il se présente comme Dino, un auteur venu nous conter quelques unes de ses histoires. C’est à pas moins de 13 récits qu’il nous convie. Ainsi, on découvrira « Le K » bien sûr, « A monsieur le directeur », « La jeune fille qui tombe… tombe », « Le secret de l’écrivain », « La Création » (où l’artiste apparaîtra vêtue d’une toge pour symboliser l’ange et Dieu) ou encore le célèbre « Pauvre petit garçon » (qui dépeint un petit enfant persécuté par ses pairs qui n’est autre qu’Hitler). Il terminera son spectacle par « Les bosses dans le jardin », un véritable hymne à la vie et au souvenir des êtres aimés.
A travers ces diverses scènes, on découvre plusieurs thèmes : la création, l’amour, la destinée. Buzzati, résolument moderne dans son écriture, s’interroge sur ce qui fait un écrivain, ses pertes de motivation, ses découragements et son envie de se battre malgré la difficulté. Il nous pousse à penser à l’inéluctabilité de la mort, l’importance de profiter un maximum de ceux qui nous entourent et de ne pas juger les gens sur la mine. Il insiste également sur l’aspect éphémère de la célébrité, l’idée que l’on doit tous un jour payer sa dette, à la manière de Faust qui avait vendu son âme au diable.
Gregori Baquet est seul en scène. Au service des histoires, il entre dans la peau des personnages, parfois simplement par un simple changement de place sur le plateau ou un geste. Il passe de l’auteur en pleine gloire au vieillard inquiétant, d’un gamin de 5 ans à une mère qui tricote, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Il peut ainsi donner libre cours à son talent d’interprète aux mille facettes. L’artiste, dont la réputation n’est plus à faire, prend plaisir à faire vivre ces récits, à les partager avec le public. Sans chercher à s’économiser, il s’amuse et nous émeut par la justesse de ses émotions. On gardera en mémoire notamment le moment où il figure un condamné à mort qui cherche le bon argument pour être sauvé par les citoyens.
Belle idée de mise en scène, le K posé sur le plateau figure tantôt une table, tantôt un lit, tantôt une estrade… Grégori Baquet l’installe avant chaque nouvelle histoire et le K devient alors un véritable élément de décor nécessaire à notre imagination. De même, les jeux de lumière et la musique apportent ce petit plus qui nous permet de nous transporter davantage dans les différents récits.
Retrouver « Le K », dans cette nouvelle version, est un véritable bonheur. On comprend pourquoi il a été auréolé de succès au dernier festival d’Avignon. Gregori Baquet semble ici chez lui. Une performance époustouflante !