L’histoire est simple : Max Bialystock, ancien roi de Broadway, ne fait plus que des fours. Son dernier spectacle « Jamais sans mon crâne », librement adapté du « Hamlet » de Shakespeare, essuie un nouvel échec. Le producteur se retrouve sur la paille, lorsqu’il rencontre Leopold Bloom, comptable venu faire le point sur ses finances. Ensemble, ils échafaudent un plan : trouver la pire pièce, embaucher le pire metteur en scène et les pires acteurs et partir avec la caisse ! Si tout les oppose, une belle amitié va naître entre les deux hommes qui vont s’entourer de personnages aussi fantasques qu’Ulla (la ravissante secrétaire suédoise), Carmen Ghia (l’assistant fantaisiste du metteur en scène), Roger Elisabeth de Brie (le metteur en scène extravagant) ou encore Frantz (l’auteur déjanté de la pièce).
Mettre en scène un tel spectacle est un véritable pari pour Alexis Michalik, que l’on connaît pour ses propres pièces ainsi que son roman. Passionné par ce genre de show, il y met à nouveau sa touche personnelle. En effet, les acteurs déplacent certains éléments de décors (tables, piano, canapé…), interprètent plusieurs rôles, changent de costume en un clin d’œil (il y en a 180 sur ce spectacle !). Aucun détail n’a été mis de côté. On se réjouit de voir des décors descendre des cintres pour figurer tantôt le bureau de Max (avec ses affiches aux titres loufoques), tantôt la devanture du théâtre, tantôt la maison de Roger de Bri ou de voir apparaître un escalier majestueux digne des plus grands spectacles de Broadway ou encore d’apercevoir en fond de scène les portants de costumes au moment de l’audition. On retrouve l’aspect virevoltant et énergique que l’on aime tant. La projection est utilisée également, notamment au début du spectacle pour faire apparaître comme un générique cinématographique les noms des artistes y participant. Mention spéciale pour le tableau de « Je voudrais être un producteur » qui joue sur plusieurs ambiances et où l’on n’a pas assez d’yeux pour tout voir.
Michalik a réuni un casting de choix aussi bien pour les chanteurs que pour l’ensemble qui les accompagne. Chaque personnage a sa particularité et leurs interprètes les rendent plus vrais que nature. Benoit Cauden est un Léo à la fois hystérique, touchant et rempli de rêves. Serge Postigo se montre parfait dans son rôle de Max à la fois profiteur, rassurant et totalement sans complexe. Roxane Le Texier apporte une touche de charme et d’humour. On retrouve un Andy Cocq hilarant dans ses mimiques, sa gestuelle et sa voix. David Eguren explose littéralement dans le rôle de Roger. Quant à Régis Vallée, bien connu des amateurs de Michalik, il excelle avec son accent allemand et son dynamisme. Le reste de la troupe est tout aussi impressionnante et on apprécie la véritable connexion qui existe entre chacun des membres pour en faire une vraie équipe.
Autres plaisirs jubilatoires : la présence d’un orchestre sur scène (qui joue des standards alors que le public s’installe, ravissant ainsi les spectateurs qui ne manquent pas de les applaudir) et la joie de voir des claquettes (avec Eva Tęsiorowski en capitaine) ! Grâce à cela, on se sent encore plus transporté à Broadway ! Non seulement tous les acteurs jouent bien mais ils chantent et dansent à la perfection, accompagnés d’une équipe musicale exceptionnelle. On a rarement vu une telle qualité dans un spectacle de ce genre.
Terminons évidemment par un des points forts de cette pièce : l’humour. On ne cesse de rire du début à la fin, aussi bien dans les chansons (dont les paroles en français sont très bien écrites) que dans les textes dits ou par des effets de mise en scène. Le public rit de bon cœur et profite de la bonne humeur que dégage la troupe. En cette période troublée, quel bonheur de sortir du théâtre le sourire aux lèvres, le regard rempli de paillettes.
« Les producteurs » est un spectacle magistral, un triomphe annoncé. Pari réussi pour Alexis Michalik et sa troupe ! Un grand bravo et surtout merci ! A ne manquer sous aucun prétexte !