Le spectacle commence dès la file d’attente du théâtre. Les artistes se faufilent parmi le public, présentant déjà les différents personnages qu’ils incarneront plus tard. Ils nous gratifient également de quelques saynètes, le temps que tout le monde s’installe, tant et si bien que certains comédiens se font prendre pour des ouvreurs par quelques spectateurs.
L’histoire reprend bien évidemment le récit de ce bateau qui a sombré dans l’Atlantique et la trame du film de James Cameron aux 11 Oscars : Lyse doit épouser un riche héritier afin de sauver sa famille, criblée des dettes de son père ; James monte en dernier dans le bateau avec la soif de vivre une nouvelle vie. A cela s’ajoutent le curé en manque de foi, le commandant Smith complètement perché, le matelot rusé, la femme du peuple qui se fait passer pour une baronne, le célèbre Joseph Ismay attristé par la perte de son lapin, Molly Brown plus rebelle que jamais…
Vous l’aurez compris, « Titanic : la folle traversée » joue avec notre horizon d’attente et casse ce que l’on imagine… pour notre plus grand plaisir ! En effet, si l’on retrouve les divers moments importants du film (comme la tentative de suicide avortée de Lyse, le dîner en première classe, la danse en troisième classe, le dessin… et bien évidemment le fameux « Je suis le maître du monde » joué par plusieurs personnages à la suite), c’est bel et bien à une création que nous assistons avec ce spectacle. Axel Drhey s’amuse, brise les codes et ça fonctionne ! Entre les scènes cocasses dignes d’un vaudeville (avant le mariage), la caractérisation des personnages tous plus loufoques les uns que les autres, les clins d’œil à la polémique de la scène finale du film (« des portes en bois sur lesquelles on peut tenir à deux sont disponibles en cas de naufrage pour les passagers de troisième classe »), le public est ravi et on se surprend à rire de bon cœur et sans retenue. Cependant, le moment du naufrage est particulièrement bien représenté et les effets de mise en scène sont d’une force tragique incroyable. Le parti pris est là aussi bien choisi et on se retrouve à penser le drame d’une autre manière, se demander ce que l’on peut faire pour éviter les catastrophes tant que cela est encore possible. On y verrait presque une réflexion sur ce qui arrive à notre planète suite au dernier rapport Giec…
Les comédiens débordent d’une énergie folle. Ils prennent plaisir à être sur scène, chantant, dansant autour des trois musiciens en live (quelle joie d’avoir cela !) On retrouve certains artistes que l’on avait pu voir dans d’autres pièces comme Julien Jacob (« Le Porteur d’histoire », « La Journée de la jupe »), Simon Heulle (« Exit », « Love Circus »)… On sent dans leur jeu une certaine connivence qui fait de cette équipe une véritable troupe. Ils donnent tout au service de l’histoire et cela fonctionne !
La mise en scène est efficace avec l’utilisation des barrières pour figurer les différents endroits du bateau, les portes des cabines, les jeux de lumière et de fumée, notamment au moment du naufrage. Les costumes sont en parfaite adéquation avec l’histoire et nous plongent immédiatement en 1912. Tout l’espace du théâtre est utilisé pour plus de vérité : les loges d’avant-scène représentent les salles des machines, les comédiens entrent et sortent en passant parmi les spectateurs, notamment lors de la recherche de survivants. Les chansons apportent un peu à la teneur dramatique de l’action et sont souvent interprétées à plusieurs pour davantage de force.
« Titanic : la folle traversée » est une belle découverte, pleine de joie et de rire, avec des comédiens dynamiques et talentueux. N’hésitez pas à embarquer avec eux !