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« Cyrano » d'Edmond Rostand

par les Divergents à la Scène Libre

Depuis le 17 janvier, la Scène libre accueille « Cyrano » d’Edmond Rostand par la troupe des Divergents. Bien évidemment, on ne présente plus cette pièce, qui est l’une des plus jouées en France et dans le monde. Mais, cette fois, le pari de la compagnie est de rendre votre représentation unique : 7 comédiens, 5040 possibilités pour le casting. A vous d’imaginer le vôtre…

Sur un air musical, les acteurs entrent en scène, tous affublés du nez caractéristique du personnage principal et vêtus d’une simple chemise blanche, d’un jean et de bottes. C’est alors qu’une des comédiennes va interpeller plusieurs personnes dans le public afin de créer la distribution spéciale de cette représentation. Roxane, Christian, De Guiche, Cyrano et les autres sont ainsi attribués à des acteurs, sans tenir compte de leur genre. Car, en effet, tous les comédiens sont prêts à jouer chacun des 7 « parcours » de la pièce (certains interprétant même plusieurs personnages), sans compter les chorégraphies ou les combats. Ensuite, chacun s’affuble d’un élément de costume permettant au public d’identifier le rôle et on entre ainsi dans l’histoire de Cyrano, ce mousquetaire gascon, brillant par sa verve poétique, mais terriblement complexé par son nez, au point de ne pas oser déclarer son amour pour Roxane. Pour le bonheur de celle-ci, il ira jusqu’à aider Christian, beau mais peu habile avec les mots, à la séduire… 


Si le texte a été raccourci et certains détails modifiés, on retrouve évidemment les vers sublimes d’Edmond Rostand et tous les morceaux de bravoure de ce monument du théâtre français : la tirade du nez, la scène du balcon, la tirade des « non merci » ou encore le siège d’Arras et la mort de Cyrano. On se délecte d’entendre cette jeune troupe réinterpréter ces phrases et on est toujours frappé par la fluidité du langage de l’auteur qui sait à la fois manier l’éloquence mais aussi les stichomythies (enchainement de courtes répliques) qui apportent au texte ce rythme si particulier, d’une très grande fluidité. 


S’inspirant des travaux de Peter et Irina Brook (également repris par les pièces d’Alexis Michalik), la mise en scène se veut minimaliste et met les acteurs à contribution, aussi bien dans leurs rôles que dans l’utilisation du plateau et des décors. En fond de scène, 7 tabourets, des accessoires (chapeaux, épées…), des costumes, que les acteurs vont utiliser au fil du texte afin de faire apparaître sous nos yeux les différents lieux de la pièce. Ainsi, les draps blancs de la rôtisserie de Ragueneau seront retroussés lors de la bataille d’Arras. Une échelle figurera le balcon de Roxane et des branches y seront ajoutées pour faire apparaître l’arbre auprès duquel Cyrano terminera sa vie. Les comédiens sont sans arrêt en activité et font tout pour nous faire entrer dans l’histoire. Et ça fonctionne ! On est captivé ! Ajoutons à cela les moments de chorégraphie, parfaitement étudiés, comme le bal avant le balcon ou la chanson des Cadets de Gascogne, présentée dans une version particulièrement moderne et efficace. 


Saluons également la performance de cette troupe de jeunes comédiens qui donnent tout sur scène avec tellement d’émotion et de justesse qu’ils nous font passer du rire aux larmes en un instant. Se dire qu’ils sont capables de jouer n’importe quel rôle de la pièce est particulièrement impressionnant et on n’a qu’une envie en sortant : revoir le spectacle afin de découvrir une autre distribution pour vérifier laquelle touche le plus notre sensibilité. Voir un personnage aussi charismatique que De Guiche interprété par une femme est réellement intéressant et j’aurais vraiment souhaité voir le rôle de Cyrano dans ce cas… 


Car cette version de la pièce met en avant une problématique véritablement pertinente : ne sommes-nous pas tous des Cyrano ? Ce qui dérange ce personnage (son nez) n’est un problème que parce que lui le voit comme un problème. Or, s’il s’était vu autrement, la situation n’aurait-elle pas changé ? Le drame aurait-il pu se terminer autrement ? N’avons-nous pas des barrières que nous nous créons nous-mêmes et qui nous empêchent de vivre ? Ne faut-il pas s’accepter tel que l’on est plutôt que de se cacher derrière une image ? Tant de questions qui mettent en valeur l’ingéniosité du texte de Rostand et son universalité. 


« Cyrano » par les Divergents est une réelle réussite. La troupe revisite le mythe avec sincérité et vérité. C’est une excellente mise en scène pour faire entrer des adolescents dans cette œuvre. A voir donc avec toute la famille. 

Avec : Camille Arrivé, Clémence Baudoin, Sarah Bretin, Caroline de Touchet, Robin Hairabian, Guillaume Lauro Lillo, Lorraine Résillot.

En alternance : Lina Aucher ou Romain Amardeilh


Texte : Edmond Rostand

Mise en scène : Romain Chesnel et Caroline de Touchet

Scénographie : Bastien Forestier

Création lumière : Moïse Hill

Costumes : Salomé Brussieux

Musique : Bruno Mégara

Maître d’arme : Christophe Charrier

Chorégraphie : Camille Arrivé

Compagnie : Les Divergents

 

Du 16 janvier au 17 mars 2024

Tarifs : 28€

Durée : 1h50

A la Scène Libre, 4 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris.

https://le-theatrelibre.fr/event-pro/cyrano/


Article : Audrey

22/01/2024

audrey@laruedubac.fr

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