Vienne 1938 : Les Nazis envahissent l’Autriche et persécutent les Juifs. Le Docteur Freud vit avec sa fille, Anna, qui tente de le persuader de signer un papier précisant qu’il a toute confiance en la Gestapo et qu’il a été bien traité, afin d’obtenir un laisser passer pour fuir l’Autriche. Freud s’y oppose pour ne pas capituler. Un officier nazi vient régulièrement leur rendre visite pour leur extorquer de l’argent, fouiller leur maison afin d’y trouver des écritures subversives... Ce jour-là, il emmène Anna avec lui pour l’interroger. Freud est inquiet quand un homme, qui sait tout de lui, entre par la fenêtre et lui fait comprendre qu’il est… Dieu. Freud, athée né dans une tradition juive, va-t-il le croire ? Cette visite nocturne au moment où tout semble s’effondrer autour de lui va-t-elle le changer ou lui permettre d’affirmer ses positions ?

Dans cette mise en scène inventive aux traits de magie, le spectateur se laisse séduire par le visiteur (Franck DESMEDT) qui s’installe sur le divan de Freud (Sam KARMANN) avec un plaisir non dissimulé. Fantasque, surprenant, énergique, intelligent, il fait réfléchir Freud sur sa situation, son passé, ses croyances. Il le titille, d’une façon quasi enfantine, pour le faire réagir. Comme Freud, le public est fasciné par ce personnage sorti d’on ne sait où. Vient-il d’un rêve ? S’est-il évadé d’un asile ? Est-il celui qu’il prétend être ou cherche-t-il à séduire Anna ? Nul ne le sait et chacun se fera sa propre idée au fur et à mesure de l’œuvre. 

Les acteurs incarnent leur personnage avec beaucoup de justesse. L’écriture est faite de sorte à tenir les spectateurs en haleine pour apprendre une vérité qu’ils ne sauront finalement pas. Mais l’échange verbal entre les deux hommes est passionnant et nous pousse à nous interroger nous-mêmes. Le caractère d’Anna (Katia GHANTY) est également très intéressant puisqu’elle se montre volontaire et pleine de force malgré une situation des plus difficiles. Elle fait front face à l’officier (Maxime de TOLEDO), n’hésitant pas à affirmer ses convictions. 

Les décors représentent l’appartement de Freud et chaque détail y est étudié. Des livres aux photos, en passant par la méridienne ou le fauteuil du maître de la psychanalyse. On observe, on entre dans son intimité et cela a un côté grisant. 

« Le Visiteur » est une pièce très bien écrite avec des acteurs admirables. Une véritable réflexion sur la vie et les croyances. Un bon moment de théâtre.