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« Les Téméraires » :

le succès d'Avignon

à la Comédie Bastille

Depuis le 7 septembre, la Comédie Bastille accueille « Les Téméraires ». Après un grand succès au Festival d’Avignon, c’est au tour de Paris de découvrir cette création sous fond d’Affaire Dreyfus.

1894, l’Affaire Dreyfus divise la France. Le Capitaine Dreyfus a été accusé à tort d’espionnage en faveur des Allemands parce qu’il était Juif. En France, l’antisémitisme augmente et le peuple se divise entre les Dreyfusards et les Anti Dreyfusards. Emile Zola vient d’achever son ensemble de 20 romans, les Rougon-Macquart, et écrit à présent une trilogie sur les villes avec un premier roman consacré à « Lourdes ». Toujours encouragé par sa femme Alexandrine, il cache néanmoins une relation avec Jeanne Rozerot, alors enceinte. Georges Meliès, célèbre magicien et réalisateur, décide de créer le premier film de dix minutes sur l’Affaire Dreyfus, afin d’en dénoncer les mensonges…


Dans cette pièce, Julien Delpech et Alexandre Foulon s’attaquent à une histoire que tout le monde connaît (l’implication d’un auteur à succès, Emile Zola, dans une affaire tendancieuse de son époque avec son célèbre « J’accuse », paru dans le journal « L’Aurore) » en souhaitant nous donner à voir ce qui se cache derrière cette histoire, comment on en est arrivé à ce texte si poignant et marquant qu’il est encore étudié dans les écoles aujourd’hui. 


Ce qui frappe en tout premier est l’entrée dans l’intimité du romancier et notamment dans son rapport aux femmes de sa vie. On est fasciné par la force et la grâce d’Alexandrine, sa femme, qui fut à l’origine de tous ses écrits en lui donnant l’écoute et l’attention nécessaires. Elle apparaît comme un personnage tout en résilience, sans jamais être rabaissée. On découvre également Zola à travers sa rage d’écrire « 3 pages par jour » pour se tenir à une discipline et ne jamais lâcher ses projets. On est touché par Jeanne, la femme de l’ombre, dont les enfants ne seront reconnus par Zola qu’après sa mort, par l’intervention d’Alexandrine. Au fur et à mesure de la pièce, on voit Zola prendre conscience des incohérences de cette erreur judiciaire et s’élever petit à petit contre le pouvoir en place. Malgré les refus d’un journal comme le « Figaro », il ne lâchera jamais et restera téméraire jusqu’au bout. 


En parallèle, apparaît Georges Méliès, célèbre pour ses films de fiction comme « L’arroseur arrosé », qui décide, lui aussi avec sa femme, de créer un film dénonçant l’Affaire Dreyfus. Le spectateur va revivre tout au long de la pièce les différentes étapes importantes de l’Affaire en assistant au tournage de ce film, du casting aux projections finales. Ces moments apportent de l’humour à une histoire pourtant très sombre et cela permet au public de comprendre l’Affaire tout en souriant. On apprécie, par ailleurs, les effets de pellicule vieillie qui apparaissent en fond.  


La mise en scène est intelligente puisqu’elle utilise un énorme bureau qui cache un piano (la musique apportant une touche capitale, notamment lors des scènes de film, si on repense qu’il s’agissait évidemment d’un film muet) qui va figurer plusieurs lieux pendant la pièce : un quai de gare, un comptoir de café… les tiroirs s’ouvrent et se ferment au profit de l’histoire. On appréciera aussi la verrière, référence aux ateliers de Méliès et également les côtés de la scène où les personnages parfois se placent pour figurer d’autres lieux (la maison d’Alphonse Daudet, l’Italie…) Tout est pensé pour utiliser de façon optimale l’espace scénique, avec quelques touches de modernité, pour créer une complicité avec le public. 


Enfin, on se dit qu’il est capital de faire découvrir aux nouvelles générations cette histoire qui marqua la France de la fin du XIXème siècle, avec des artistes qui n’hésitaient pas à engager leur parole et se mettre en danger eux-mêmes pour la Justice. Ce sont ces Téméraires qui ont aidé à créer un monde plus humain, même si des progrès restent à faire encore aujourd’hui. Le moment de la lecture du texte « J’accuse » en rappelle la force et la grandeur, à nous en donner des frissons. 

« Les Téméraires » est une pièce à message qui nous fait voir l’importance de la fin du XIXIème siècle dans la fondation du monde d’aujourd’hui. A voir. 

De Julien Delpech et Alexandre Foulon

Mise en scène : Charlotte Matzneff

Avec Arnaud Allain, Stéphane Dauch, Armance Galpin, Romain Lagarde, Barbara Lamballais, Sandrine Seubille et Thibault Sommain

Assistante mise en scène : Manoulia Jeanne

Musique : Mehdi Bourayou

Scénographie : Antoine Milian

Lumières : Moïse Hill

Costumes : Corinne Rossi



A la Comédie Bastille, 5 rue Nicolas Appert, 75011 Paris

Mercredi 19h, jeudi 21h , vendredi 19h, samedi 21h et dimanche 17h

Relâche : vendredi 13 octobre 2023

Durée 1h30

https://comedie-bastille.com/appert/product.php?id_product=187

 

Article : Audrey

09/09/2023

audrey@laruedubac.fr


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