13 septembre 1910, Londres. Dans son bar, le Mitz, Alphonse (Dan Menasche) essuie ses verres en observant un couple d’amoureux discuter à la table d’à côté, alors qu’il surveille si une lettre n’arrive pas pour lui. Etty (Pauline Bression) a attendu Charlie (Alexandre Faitrouni) pendant dix minutes et en est fort embarrassée. Charlie semble très angoissé et trouve toutes les excuses du monde pour pardonner son retard. Avec la complicité d’Alphonse, il devrait y arriver. Cette soirée pourrait bien changer leurs vies…
Cette pièce est une expérience à part entière pour plusieurs raisons. L’arrivée dans la salle nous plonge dans une ambiance cabaret, avec des sièges et des tables à nappes blanches agrémentées d’une petite lampe. Le spectateur fait un petit saut dans le temps et profite de l’ouverture des portes pour boire un verre au son d’une musique douce. Sur scène, un comptoir, une porte, une table, un piano, un miroir. Lorsque le spectacle commence et que la lumière s’allume, on découvre les comédiens dans une lumière typique des films en noir et blanc. L’illusion est parfaite. C’est bluffant. On se sent clairement transporté grâce à cet effet d’optique dû au maquillage et cela crée une intensité plus forte. Cela continue lors de la déclaration d’amour ratée de Charlie avec l’utilisation de pancartes rappelant les panneaux des films muets. On retrouve également la gestuelle de Charlie Chaplin pendant l’explication improvisée par Charlie et Alphonse de la rencontre avec le propriétaire ou encore par les divers retours en arrière ou avancées dans le temps exécutés au fil de la pièce. Ajoutez à cela des costumes parfaitement adaptés à cette époque, c’est une véritable réussite visuelle qui en nous donne tellement à voir, malgré une apparente simplicité.
L’histoire nous fait découvrir le premier amour de Charlie Chaplin qui, en refusant de se marier avec lui, lui a permis de devenir la star mondialement célèbre que l’on connaît. Elle nous montre ainsi à quel point une décision peut changer le cours de nos vies et comment certaines personnes sont assez fortes pour faire passer l’autre avant elles-mêmes. Chaque personnage est porté par un rêve mais seul Charlie atteindra les étoiles. Son talent, son envie de donner le meilleur de lui-même, sa volonté, l’ont mené vers le succès. Mais ne sommes-nous pas tous des artistes de la vie ?
Le récit est fait de façon très progressive, ne nous dévoilant pas tout dès le départ et rejouant la scène à diverses reprises afin d’adopter le point de vue de chaque personnage. Cela nous met dans la position intéressante d’entrer dans la peau de chacun des caractères et d’en écouter les pensées. Certains dialogues, partiellement muets au début, s’éclaircissent au fil du temps et nous permettent de mieux comprendre l’action. C’est habilement ficelé pour nous mener en haleine et nous impliquer dans l’intrigue.
Les acteurs prennent plaisir à jouer et incarnent leurs personnages à merveille. On a envie de les suivre dans ce bar. On rit, on s’interroge, on s’émeut avec eux. La fin est particulièrement bien réussie et crée une rupture avec la majeure partie de la pièce, mais nous n’en dirons pas plus pour ne pas vous révéler l’intrigue…
« Smile » (du titre de la célèbre chanson de Nat King Cole écrite par Charlie Chaplin) est une douce balade dans le temps, avec une scénographie des plus originales et charmantes, servie par d’excellents comédiens.